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Témoignages : Comment prenez-vous soin de vos équipes dans cette période de crise?

Publié le 29/04/2020 dans Témoignages

Dans cette période, l’activité des centres de santé est particulièrement mouvementée par la multitude d’adaptations rendues nécessaires par cette crise sanitaire : la gestion des approvisionnements en EPI, la mise en place du chômage partiel, les ajustements organisationnels contraints, les difficultés liées au déploiement de la téléconsultation, et l’impératif d’assurer la continuité des soins avec peu de moyens. 

De fait, la capacité des organisations et des individus à faire face à l’adversité et à faire avec l’incertitude est mise à rude épreuve. 

Aussi, prendre soin des équipes est également une priorité pour les gestionnaires de centres de santé.

Vous trouverez ci-dessous le témoignage de deux gestionnaires pour accompagner ceux qui travaillent en première ligne auprès des patients mais aussi ceux qui se sont retrouvé éloignés de leur équipe. En fin d’article vous aurez aussi l’avis d’un expert et une liste de lieux ressources.

Nous avons interrogé Anne Deville, Directrices des centres de santé UMFMB, Chloé Deniau, Directrice adjointe en charge de la qualité de vie au travail à la MGEN, et Philippe Cordel, Directeur du centre de santé MGEN, et Nadia Delli  coach spécialiste de la Qualité de Vie au Travail.

Présentez nous vos centres :

L’UMFMB, c’est 10 centres dentaires, 8 magasins d’optique, 5 magasins d’audioprothèses, 1 laboratoire de  prothèses, 1 CSI, 2 SSIAD. Principalement situés en Haute-Savoie. L’effectif des centres de santé est 120 collaborateurs.

La MGEN, c’est un centre dentaire polyvalent  avec un effectif de 6 médecins généralistes et environ 25 spécialistes, et 6 chirurgiens-dentistes. Nous avons peu d’activité infirmière. 

Avant le début du confinement quelles étaient les mesures liées au bien-être des équipes ?

UMFMB : Le document unique bien sûr, nous organisions des réunions (temps d’échanges institutionnels, des échanges avec des référents de centre pour s’assurer que l’on fonctionnait tous dans le même sens, tant dans le travail qu’humainement.

Il y avait également des actions particulières comme des réunions en local dans les centres pour plus de proximité, et des actions principalement sur la santé (Ex : le tabac, l’alimentation, les accidents ménagers).

MGEN : pour nous, au-delà du document unique, il y a une politique QVT portée par le siège national Mgen avec une large place accordée au dialogue social et une politique RH qui facilite des espaces d’expression pour les salariés notamment lors des entretiens d’évaluation et professionnels réalisés.

En local, chaque année, une enquête de satisfaction du personnel nous permet de détecter des pistes d’actions en essayant d’en co-construire les modalités (Exemple : plages de sports en groupe après le travail). La formation, est aussi un outil de nature à favoriser le bien-être des collaborateurs, par exemple la formation des secrétaires d’accueil proposées par le GRCS ou une formation « gestion des incivilités pour les médecins », complétée par une forme de “SAV personnalisé” sur des situations difficiles pour que le médecin puisse à sa demande débriefer avec le formateur. 

La vraie bonne idée du début d’année a été la mise en place d’une salle de pause conviviale réservée aux médecins et aux équipes soignantes. Ils peuvent se retrouver entre soignants et profiter d’un temps de repos.

 

Avec le confinement qu’avez vous mis en place pour vos équipes ?

MGEN : avant tout le management de proximité s’est accentué avec la volonté d’être au plus près des équipes au quotidien, d’être présents et d’être en soutien sur certaines de leurs missions (gestion de stocks, accueil, gestion du planning de certains médecins, faire de l’information RH). 

Les réunions mensuelles sont devenues plus régulières, l’objectif étant de placer les soignants au centre de l’organisation et de favoriser les échanges entre les médecins sur la gestion de la crise et de nous positionner dans une fonction d’accompagnement et d’aide dans la mise en œuvre des solutions qu’ils auront trouvées. 

Lors de la mise en place du chômage partiel, en amont la décision, nous avons pris en compte la dimension individuelle par des entretiens (tél. ou présentiels, parfois par mail). Cela a été un vrai investissement en temps, mais cela a été apprécié. Le dialogue social aussi s’est renforcé avec plus de réunions avec le délégué du personnel.

UMFMB : nos collaborateurs travaillent quotidiennement en équipe, avec le confinement, ils se sont brutalement retrouvé isolés, sans que cela ait pu être anticipé dans les impacts et l’organisation. Nous avons voulu avant tout maintenir le lien, communiquer et informer.

Pour maintenir le lien, nous avons imaginé une nouvelle organisation. Chaque centre à ma demandé a créé un groupe whatsapp (dans lesquels je suis intégrée). L’objectif premier est de prendre des nouvelles régulières de chacun, pour donner la possibilité d’échanger. Toutes les équipes ont répondu favorablement.

Pour communiquer de façon plus institutionnelle nous avons créé une page intranet pour diffuser à tous les décisions de la direction générale, le compte-rendu des échanges avec les représentants du personnel. Pour cela, nous avons dû réfléchir à une évolution de notre système d’information pour permettre un accès à l’intranet en dehors du poste de travail et trouver une solution simple de connexion depuis leurs domiciles.

 

Les actions les plus plébiscitées pendant cette période de confinement ?

MGEN : “les petites attentions auparavant considérées comme secondaires” (faire des repas ensemble, livraison de fruits au personnel soignant, livraison de crème bio pour les mains abîmées par le gel hydroalcoolique) sont reçues avec beaucoup d’importance. Les personnes ont pu rester en contact par métier avec l’utilisation de whatsapp. Cela a permis d’entretenir un dialogue entre les équipes au travail et les personnes confinées.

UMFMB : nos praticiens ont particulièrement apprécié la cellule psychologique où ils trouvent des professionnels de l’écoute, nous n’avons pas encore de retour sur le recours, c’est quelque chose que chacun gère en toute autonomie selon son besoin.

 

Quels sont les besoins exprimés pour favoriser le bien-être ?

UMFMB : nos équipes ont avant tout exprimé la nécessité d’être utile, les professionnels du centre travaillent habituellement en équipe et tout le personnel a été mis en chômage partiel. Pour répondre à ce besoin, nous avons organisé une permanence téléphonique pour permettre à tous ceux qui le souhaitent de participer à l’organisation et dans une certaine mesure de retourner au travail.

MGEN : nos médecins n’ont pas directement exprimé de besoin, ils ont parfois parlé de fatigue, de pression. En réponse, nous avons saisi les propositions d’action et les avons mises en œuvre, c’est le cas pour le groupe de relaxation à raison d’une séance de 30 min par semaine pour les médecins menée par le médecin de notre hôpital de jour.

Quels sont les enjeux que vous avez identifiés ? 

MGEN : essayer de rassurer par la communication sur les mesures prises (mesures de prévention, les EPI, les approvisionnements en EPI , avoir du stock suffisant), et répondre aux interrogations pour conserver la confiance.

Maintenir le lien et le sens du collectif avec les personnes qui sont isolées chez elles. Cela passe aussi par l’accompagnement au retour où il est important d’être attentif à remettre dans un fonctionnement collectif avec un “accueil spécifique” à mettre en œuvre.

UMFMB : pour nous, il s’agit d’anticiper et de réfléchir à une reprise d’activité. La reprise doit se faire avec la vision des équipes, en assurant leur sécurité et en leur permettant d’assurer eux même leur propre sécurité, il faut partager de l’information et de la documentation. C’est aussi repenser et faire évoluer les pratiques, par exemple en développant et en systématisant les outils de travail à distance tout en maintenant la qualité de dialogue, et être au côté des équipes pour mettre en place cette nouvelle organisation.

Nous voulons renforcer le “maillage (relationnel) humain” grâce aux outils.

 

Qu’avez-vous envie de partager sur cette expérience ( Les enseignements, bonnes pratiques, la gestion du post crise, les réflexions, etc. )?

MGEN : la période que nous allons connaître est une autre déclinaison de la crise, une nouvelle étape aussi anxiogène que la période précédente. Il y a encore de nombreuses incertitudes, notamment sur le domaine économique et nous n’avons pas encore les clés pour agir.

Il nous faudra avoir de l’imagination, Rester à l’écoute, être à la fois instinctif, réactif et spontané pour s’adapter aux variations dans les coups de mou, laisser surgir des idées. Et aussi permettre aux personnes de s’exprimer, en accordant davantage d’attention aux secrétaires que depuis le début de la crise.

Pour la suite, nous pensons garder deux fonctions nées de la gestion de la crise, en amont une régulation téléphonique des patients, et une régulation physique de l’accueil pour orienter les patients, faire respecter les règles de séparation et limitation des flux, de port du masque, de systématisation du gel hydroalcoolique à l’entrée et ainsi réduire l’anxiété collective.

La crise a aussi mis en exergue la dimension managériale de proximité des directions. On aurait pu penser que dans ce contexte le pilotage, l’organisation étaient réalisables en grande partie à distance en télétravail. Très rapidement, nous avons abandonné cette idée.

« À titre personnel (C. Deniau) , j’ai évolué dans la perception que j’ai de mon métier. En début de la crise, on aurait pu imaginer que les fonctions de direction pourraient en grande partie se conduire en télétravail. Pendant la crise, ma vision a évolué et mon poste a changé du point de vue de la gestion des équipes. En effet, en temps de crise, les équipes ont besoin que nous (les agents de direction) soyons présents à leurs côtés et à leur écoute, le fait d’être présent est plus important que le pilotage à distance. En début de crise, je pensais pouvoir tenir mon poste en grande partie en télétravail, aujourd’hui j’ai changé d’avis ».

UMFMB : l’une des visioconférences organisées par le GRCS, m’a permis de mûrir dans ma réflexion. En effet, avant de parler de reprise, il m’apparaît maintenant nécessaire de prendre le temps de faire le point avec chacun, débriefer cette période. Il faut évacuer cette période avant de reprendre le travail. Je pense que je raterai mon objectif si je ne le fais pas.

Nous n’avons certes pas inventé des choses fantastiques, mais le vrai enjeu est de réussir à garder de la relation humaine et le lien avec les autres que nous avons su créer.

À titre personnel, je me trouve que je suis plutôt protégée, car j’ai la chance de pouvoir me rendre au travail tous les jours. Je pense que je prendrai un peu plus tard le temps de faire le point sur ce qui s’est passé.

 

En conclusion, l’avis d’une experte de la Qualité de vie au Travail, Nadia Delli, coach. 

“ Pendant cette période de confinement, les organisations, les équipes et les personnes qui organisent le travail ont été malmenées. Tant d’un point de vue externe en réaction d’adaptation à la situation, que d’un point de vue personnel et intérieur.

Dans ce type de contexte, il est difficile d’envisager de recommencer à travailler comme avant. Pour les structures qui ont fait le choix de suspendre leur activité, est-il vraiment possible de reprendre la routine des tournées sans s’interroger ?

Pour moi, l’enjeu principal à la sortie du confinement est, pour les managers et les équipes, de prendre le temps de retrouver une cohésion d’équipe, en favorisant le dialogue et la parole.

Pendant cette période, le lien a pu se distendre, entraîner une dilution du collectif au travail. Ainsi, c’est permettre à chacun de retrouver sa place dans le collectif en ayant la possibilité d’exprimer la façon dont il a vécu cette période, de formuler les non-dits et de crever les abcès d’inégalités (arrêt des activités, chômage partiel choisi ou subi, arrêt de travail, les professionnels malades, la prime, incertitudes sur l’avenir, etc.…).

Il s’agit de considérer le vécu de chacun durant cette période sidérante et d’évaluer, ensemble, les impacts sur le projet de l’entreprise. Finalement, que ce soit l’individu ou l’organisation professionnelle, cela a été l’expérimentation, subie, de l’essentiel. »

 

Pour aller plus loin, les dispositifs de soutien aux professionnels de santé :

Hospimedia a réalisé un tour d’horizon des différents dispositifs d’écoute en place sur le territoire.

  • Le Centre national de ressources et de résilience (CN2R) mis en ligne une fiche et des recommandations pour préserver les équipes. 

Les dispositifs nationaux :

Retrouvez d’autres ressources sur notre page spéciale Covid.

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